La valve de miroir du jeu d'échecs du Louvre offre une parfaite quintessence de l'art de cour français vers 1300.
La composition est ici centrée sur l'échiquier et le jeu de mains de trois des personnages qui désignent les pièces. La scène est située sous un pavillon dont les rideaux sont relevés pour laisser voir le jeune homme assis, jambes croisées (symbole de pouvoir), tenant d'une main le poteau qui soutient le pavillon et prenant une pièce d'échecs de l'autre main ; en face de lui, la jeune femme, qui porte sous son voile la coiffure à cornes si décriée par les prédicateurs, désigne une pièce du doigt et tient deux pièces dans son autre main, peut-être pour tricher ; derrière elle, sa servante, qui tient une couronne prête, lui suggère une stratégie.
Derrière le jeune homme, un valet tient sur son poing un faucon. Quatre dragons cantonnent la pièce, le travail est soigné : caractère menu des visages, tracé des yeux bien ouverts, souplesse des drapés.
Le thème du jeu d'échecs est assez fréquent sur les valves de miroir, encore que les exemplaires à quatre personnages soient rares. Il est possible que cette représentation fasse allusion à une scène du roman de Huon de Bordeaux ou plutôt de celui de Tristan et Yseult, si on la compare avec un émail du trésor de Louis d'Anjou, décrit en 1379-1380, où Tristan et Yseult jouent aux échecs sous un pavillon.
Mais d'autres mentions du même inventaire signalent des représentations du jeu d'échecs sans identifier les acteurs : il peut donc simplement s'agir ici de la représentation d'un jeu pratiqué par l'aristocratie où se recrutaient aussi les clients des ivoiriers.
Par opposition au jeu de dés, symbole de l'amour désordonné et débauché, il évoque en effet l'amour courtois, régi par des règles précises ; toutefois, comme l'indique la couronne que tient la servante (présage du couronnement de l'Amant), il n'est nullement un symbole d'amour platonique.
Reproduction en résine patinée
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